LE GREFFIER LUNATIQUE
Le ricanant greffier, sous son pelage d'or, attentif aux détails, patiente encore. Le doux son de l'horloge dans la gare à minuit l'extirpe du sommeil où Morphée l'avait mis. Il ronronne, heureux, et mire son allure dans l'une des vitrines aux multiples fêlures. Le félidé s'étir, prend garde à son charme, expose son corps, puis soupire. Un détail intriguant sur sa frimousse exquise, celui de son museau qu'un doux sourire esquisse. Le matou se lève. Comme il est fascinant sous la lueur ardente d'un vieux bâton d'éclairs illuminant les rues en cette nuit d'hiver. Lampadaire le nomment les Hommes : juste un subterfuge innocent qui redonne à ce chat sa splendeur d'antan. Ne se fiant qu'à lui-même, sans peur, il ricane dans la brume avec noirceur. Un miaulement rauque, une quinte de toux, un animal crevé par le passage d'une roue. Comme il est différent, de tout ça il se moque, rêvant d'un univers légèrement moins glauque. Il hérisse ses poils aux caprices du vent, une inconnue s'approche, lui il prend les devants.
- Bien belle demoiselle que cherchez vous ci-bas ? - Un refuge pour la nuit, je suis seule, il fait froid.
Bondissant ardemment sur cette occasion rare, le félin se pavane avec délectation. Il aime se montrer sous un jour plus courtois qu'il ne le laisse croire à tous ceux qui le voient. Ses moustaches à l'affût guettent la moindre odeur mais de celles qu'il connaît il préfère la peur. Étrange sensation qu'il ignore sans cesse, comme si la sentir le mettrait en détresse. Ses griffes bien rangées il invite la dame à le suivre le long du macadam. Il avance assuré jusqu'au porche mouillé d'un restaurant en pleurs à l'enseigne souillée. Le chef de la cuisine, fumant sa cigarette, chassa les chats à vue d'un grand coup dans la tête. Ils dévalèrent ainsi la grande ruelle obscure jusqu'à finir leur chute assommés contre un mur. Le minou affamé se lèche les babines. Sa compagne horrifiée hurle d'adrénaline. Quel cri strident ! Quelle accalmie ! Il apprécie la pensée de se voir endormi. Finalement, voulant bien faire, il la réconforte de son regard d'enfer. Ses yeux et son sourire éclatant dans le noir taraudent la minette qui tout à coup minaude.
- N'avez vous jamais sourit avant ? Lança-t-il en riant. - Je ne le peux, j'en ai peur presque autant que le sang. - Vous avez tort, très chère, le vôtre est succulent !
Alors que le quartier en cette nuit s'endort, si l'on tendait l'oreille on l'entendrait encore. Le craquement des os sous les crocs de la bête démontre clairement qu'il aime sa recette.
_________________ N'oubliez pas de rêver: les soucis s'en feront plus légers !
Dernière édition par Barayto le Lun Fév 23, 2015 3:09 am, édité 1 fois.
|