Max (voilà le 2nd petit texte que je vous avais promis, écrit la même heure que Le 5e pied, le 13.11.2008)
Aujourd'hui, beau matin d'été. Il est quatre heures. Personne encore dans les rues. Moi seul, qui profite du soleil levant et des premiers gazouillis des oiseaux, bien calé entre une haie d'un vert marqué et mon seul ami, mon véritable ami, celui qui est près de moi par tous les temps, qui partage avec moi autant les bons moments que les plus douloureux, le seul qui me connaisse à tout instant de mon existence: le grand lampadaire rouge, Roger. Je m'ébrouais, en pensées. Lorsque soudain, une voix familiaire fit craquer mon bois encore tout ensommeillé: _ Pssst! Psst! Eh! Max... Toujours pas réveillé? _ Mmmh _ Récapitulation de la nuit: tu as ronflé dès neuf heures quand tu t'es endormi. Tu as parlé aussi... onze demi je dirais. Puis tu t'es un instant arrêté de ronfler lorsqu'un passant avec un bizarre petit bâtonnet blanc qu'il tenait entre deux doigts s'est effondré sur toi. _ Ah? J'ai eu un client cette nuit? Je m'intéressais à ce seul divertissement dont un être de ma condition pouvait bénéficier. _ Bhé... ouais. Tu sais bien comment ils sont. Toujours les mêmes paumés... Je réfléchis. Mes souvenirs déferlaient dans ma carapace de bois. _ Pas très parleur, ce matin, reprit Roger. _ Mmh. _ Bon beh hein, si tu dis rien, moi je vais m'éteindre. _ Vas-y. Je prends la relève, Roger! Repose-toi. _ Merci mon frère! Aaaaah... Clic. Roger s'était éteint. _ Et voilà! Ca y est. A peine il l'a annoncé qu'il dort déjà. Un vrai gosse.
Et ainsi se passaient chaque matin depuis l'année 1980 où Roger m'avait rejoint, planté là par les autorités municipales. D'ailleurs il avait à cette date remplacé mon plus cher ami, Georges. Georges dans un coeur. OUi parce que nous autres nous nommons d'une façon très simple. Dès ma première année, un jeune garçon était venu s'asseoir sur moi et avait gravé un nom - peut-être le sien? - dans mon bois à l'aide d'un couteau suisse. Max. Et c'est mon nom. Max le banc. Roger, lui, c'esta utre chose: c'est une jeune femme qui s'est jetée vers lui une nuit d'averse, une bouteille vide à la main, et qui l'a enlacé les joues humides de larmes en lui murmurant son nom. Depuis il se fait appeler comme ça. Il faut dire que c'est un sensible, Roger.
_________________ La fleur de démence y a choisi son roi.
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