Voici mon petit cadeau pour noël, je ne pourrai pas passer le poster puisque je ne suis pas chez moi
Il change de d'habitude. Mais disons que c'est parce que c'est pour Noël... ^^
Elle l'aperçut alors qu'il passait, pressé, à quelques mètres d'elle sans la voir.
- Hé Joachim !
Il ne l'entendit pas. Elle le rappela, plus fort. Il tourna la tête vivement puis vint vers elle, traînant avec lui son éternelle démarche de celui qui n'est pas surpris le moins du monde. Elle eut intérieurement un rire attendri et son coeur bondit en un bref sursaut vers ce garçon-là, presque apeuré, qui s'approchait. Un tout mince sourire étira brièvement ses lèvres alors que ses yeux le regardaient presque avec pitié. Quel gamin, quand même... Il ne sentit pas cet élan d'affection qui surgissait sur lui à l'instant. Mais il perçut très bien ses grands yeux noirs rieurs qui le regardaient, protecteurs comme ceux d'une mère, et qui l'engloutissaient. Il s'y noya.
- Salut.
- Viens t'assoir !
- Nan nan, je suis pressé, j'ai un rendez-vous.
Camille fronça légèrement les sourcils, juste comme elle le faisait, avant, pour qu'il cède. Mais c'était avant. Cependant ce ton, si familier il y avait un peu plus d'un an, lui revint soudain. Et lui se laissa emporter.
- Il est à quelle heure, ton rendez-vous ?
- Ben... dans une heure et demi.
- Oh ! Tu as bien le temps de boire quelques chose avec moi. Ça fait tellement longtemps qu'on a pas parlé.
Il s'assit après avoir jeté un coup d'œil à sa montre.
- Tu veux boire quelque chose ? lui demanda Camille.
- Un café.
Elle appela la serveuse qui passait entre les tables à quelques pas et commanda deux cafés. Au bout d'un moment, Joachim leva les yeux vers elle. Il soupira un grand coup et se lança.
- Ouais...
Elle eut un petit rire d'attendrissement, encore un. Et il se renfrogna.
Lorsque la serveuse apporta les cafés, Camille tapota nerveusement trois petits coups brefs sur sa tasse avec le dos de sa cuiller et le regarda finalement droit dans les yeux :
- Alors, qu'est-ce que tu deviens ?
Il sembla réfléchir, le regard plongé dans son café pour éviter celui, inquisiteur, de Camille. A plusieurs moments celle-ci crut qu'il allait parler. Finalement il pinça les lèvres et eut un petit sourire, comme une excuse timide sur sa joue.
- Non. Non, Camille. Je suis désolé. C'est pas ce dont j'aimerais parler avec toi.
- Ah ? Tu voudrais parler de quoi ?
Il était pris au piège.
- Je... Je sais pas. Aucune idée. mais pas de ça.
Elle haussa les épaules, déçue. Une pointe de jalousie du secret inconnu dans sa voix, secret que peut-être une autre connaissait -sûrement même, il ne pouvait pas en être autrement, sinon il le lui aurait dis, tu penses !-, elle lui affirma que ça n'avait aucune importance. Que de toute façon, c'était sa vie. Qu'il avait le droit d'avoir ses secrets. Qu'elle avait bien eu les siens ! Il fit la moue et la regarda s'agiter. Il n'était pas dupe : il la connaissait. Pour ça, elle n'était pas originale, du reste. La plupart des filles étaient ainsi. Il la suivait du regard, suivait ses mains qui couraient dans les airs à toute vitesse, dévorait son beau regard, ses joues un peu roses mordues par le froid de cette fin de matinée claire, jetait parfois un oeil sur la naissance de sa poitrine et détournait vite les yeux vers son visage, ses lèvres, ses yeux de nouveau, pour faire celui qui l'écoutait. Puis son cou enfin ; il devinait son épaule, la revoyait en pensées. Et le petit grain de beauté qu'elle avait au centre de l'épaule, juste au milieu, à cet endroit précis qui n'était pas encore le bras. Ou peut-être que si, finalement, il était sur le bras. Ou en avait-elle deux ? Il ne savait plus. Les souvenirs filaient entre ses poings fermés qui cherchaient vainement à les rattraper. Il les serrait tellement fort, ses doigts, en la regardant, que ses jointures en étaient meurtries. Puis d'autres images se substituaient aux premières. Il voyait ses courbes, son ventre caramel, si doux... Il ne devait pas y penser ! Et il revenait sagement à ces yeux qui le rendaient plus fou.
Elle, de son côté, divaguait, lui racontait sa vie. Sa vie sans lui. Sa vie avec l'autre. Ce bout de vie qu'il ne connaissait plus d'elle. Au début elle s'était arrêtée, plusieurs fois, atterrée, accaparée par le remord de lui en avoir tant dit. Puis elle avait compris que de toute façon il n'écoutait pas et continuait à se vider de tous ces mois de peine. De bonheur aussi. De bonheur un peu. De ses fêtes avec ses amis débiles d'où il ne revenait pas. Ou très peu. De ses drogues. De ses cachets qu'elle retrouvait sous le lit... Et puis de ses nuits seule. De ses bras striés. De ses pensées, à elle, qui n'allaient jamais à lui, Joachim. -Hein, plus jamais ! Non.- Mais de ses rêves où il était omniprésent. De tout ce bourbier moite où elle s'enfonçait. De ses études qu'elle avait dû arrêter.
Il sembla soudain reprendre conscience de ce qu'elle disait :
- Quoi ? Tu as arrêter tes études ?
Elle regarda le pavé sous le guéridon pour ne pas croiser son regard coléreux. Mais finalement elle leva vivement les yeux vers les siens comme s'interdisant de revenir en arrière et lâcha tout simplement, c'était une évidence :
_ Ben ouais. Je devais travailler. Bosser. Pour lui payer ses choses, tu sais...
Joachim fronça les sourcils et esquissa un mouvement d'incompréhension.
- Oh tu sais, c'est pas grave ! C'est pas important. Laisse tomber ça.
- Camille tu dois continuer tes études !
- C'est du passé.
- Non ce n'est pas du passé ! Pas encore ! Tu ne peux pas te faire ça ! Tu n'as pas le droit !
Elle lui sourit, impuissante. Soupira, puis repris en enchaînant :
- Et toi ? Tu disais que tu avais un rendez-vous. C'est pour quoi ?
- Entretien d'embauche. Et tu vis toujours là-bas ?
- Oui. A l'appart.
- Et lui ?
- Aucune idée. Ça fait un mois que je l'ai pas vu. Il est pas rentré.
- Ah.
Camille regarda sa montre.
- Ca fait une heure qu'on discute, hein...
- Ouais ouais.
- C'est à côté ?
Il ne lui répondit pas mais continua à la regarder fixement. Gênée, elle lui sourit d'une manière qui lui parût soudain très ridicule et cessa vivement. Joachim protesta :
- Oh... Pourquoi tu t'acharnes à rester impassible ? Au dessus de tout... J'aime quand tu souris.
Elle rit. Pencha la tête sur le côté, la joue dans sa main, et le contempla longuement. Lui, après un moment, sortit son portable. Les touches qu'il composa résonnèrent sourdement, un peu étouffées par l'air glacial de décembre.
"Bonjour je suis Joachim M., j'avais rendez-vous à onze heure et demi... Oui... Non... Voilà, je ne viendrai pas... Oui, je suis sûr... Bien sûr, je sais... Au revoir."
Camille avait fait toute sorte de gestes silencieux des mains et de la bouche pour lui signifier qu'il ne devait surtout pas annuler cet entretien. Il rit lorsqu'il raccrocha, la voyant toute dépitée. Puis il se leva, lui tendit la main -qu'elle prit- et l'entraîna.